Je viens de recevoir un mail intitulé réaction à la critique de R. Guénon par un "lecteur de la première heure" à propos de sa réaction à l'ouvrage d'Alice Joly sur Willermoz et le RER.
Pour commencer et sur le moment, je n'ai pas réalisé que cette intervention concernait le contenu d'un article datant de novembre 2017 que voici :
Ce différent a été évoqué dans un post qui n'est plus en ligne mais que je vais sans doute rééditer après l'avoir plus ou moins rewrité.
Ne pas confondre le "lecteur de la première heure" avec le confrère "apocalyptique" qui m'a fait découvrir l'ouvrage d'un certain Alexandrian sur la "philosophie occulte"
J'ai fait la confusion pour commencer, raison de plus de préciser que l'intervention concerne un post vieux de plus de 3 ans...
Le "lecteur de la première heure" est un catholique très fervent qui m'a puissamment aidé dans l'investigation du "Dossier Schuon" en tant que traducteur bénévole. Il a découvert la revue que j'ai dirigée par le biais d'un emploi à la B.N. avant que la géographie ne nous rapproche un peu moyennant une seule frontière départementale. Jusqu'à ce que je découvre qu'il n'a pas supporté mes critiques acerbes sur les monothéismes en général et sur le catholicisme en particulier.
Force est de constater que le traitement par Guénon du livre d'Alice Joly est devenu un "lieu commun" pour les antiguénoniens les plus farouches. Est-ce justifié ? L'intervenant dont je vais reproduire les propos me propose de publier le compte-rendu de Guénon avec en rouge les passages qui démentent les accusations à base de "procédés habituels" qui lui sont reprochés pour en fait nier que la Maçonnerie (et pas seulement celle incarnée par Willermoz) serait vide de tout contenu spirituel et initiatique authentique. Il est bien certain que Guénon a trop prêté aux Francs-Maçons mais la question présente et celle de savoir s'il a bien voulu faire l'impasse sur la charge contenue dans le livre de cette Alice Joly. A la réflexion, la chose paraît assez douteuse et en tout état de cause, il n'est pas inutile de redonner ce compte-rendu dans son intégralité afin que chacun puisse en juger en son âme et conscience.
ici commence la communication signée d'un certain "Ouzoraki"
Cette critique me parait bien excessive et calibrée pour « bouffer du Guénon ». Je ne veux pas défendre Guénon à tout prix même si je lui reproche quelques naïvetés étranges mais au bout du compte je sais ce que je lui dois, comme vous d’ailleurs il me semble (je suis moi aussi un lecteur de la première heure…).
Ce monsieur écrit :
Il y a une chose de fort désagréable que j'ai ressenti en relisant le compte-rendu de Guénon sur le livre de Joly, c'est :
1) qu'il omet ce qui fait la vraie valeur du livre: les preuves données sur l'absence de valeur spirituelle des milieux maçonniques de l'époque ou les biographies plutôt compromettantes de Pasqually et Willermoz (qui était un genre de benêt en fait) et 2 ) qu'il "neutralise" cet ouvrage avec les procédés habituels :
a) On dit que le point de vue "profane" de Joly l'empêche de voir la réalité (sans rien préciser de plus d'ailleurs).
b) On relève 2 ou 3 erreurs de détails (même de typo) pour subtilement mettre en doute la valeur générale de l'ouvrage et le tour est joué. Si on usait du même procédé pour les bouquins de pas mal d'ésotéristes on irait beaucoup plus loin c'est certain : mais là non impossible : toute critique est neutralisée sous l'étiquette "ineffable".
La malhonnêteté de René Guénon ne serait pas douteuse
Je trouve ces avis très excessifs alors que Guénon écrit : dans le compte-rendu visé que :
- Plusieurs critiques qui paraissent bien justifiées
- Et qu'il a recours à de nombreuses appréciations très positives
Guénon écrit clairement que les "résultats ont été lamentables" !!
J’ai souligné en rouge dans l’article en cause ce qui est clairement au crédit d’Alice Joly selon Guénon.
Il n’y a vraiment pas de quoi tirer de cet article ce que votre "lecteur de la première heure" a prétendu prouver à l'encontre de R.G.…
Même si on peut être d’accord avec lui sur tout le reste, en particulier la description de l’ambiance générale maçonnique de l’époque avec ce beau rassemblement de jobards..Ce qui laisse en effet un gros doute sur la portée initiatique de cette tradition, en particulier pour ce rite du RER pas franchement rassurant…Aujourd’hui encore avec un Vivenza comme gourou !
Texte de l'article daté de juin 1939 signé Alice Joly
Un Mystique lyonnais et les secrets de la Franc-Maçonnerie (1730-1824). (Protat Frères, Mâcon).
Ce gros volume est une biographie aussi complète que possible de Jean-Baptiste Willermoz, fort consciencieusement faite et sérieusement documentée, mais qui n’est pourtant pas exempte de certains défauts, probablement inévitables d’ailleurs quand on veut, comme c’est le cas, étudier des questions comme celles dont il s’agit ici en se plaçant à un point de vue tout profane.
Il ne suffit certes pas, dans cet ordre de choses, d’une sorte de sympathie extérieure ni d’une curiosité allant jusqu’à la recherche des moindres détails anecdotiques pour parvenir à une compréhension véritable ; nous admirons la patience qu’il faut pour traiter ainsi un sujet pour lequel on n’éprouve pas un intérêt plus profond, mais nous avouons que, à l’accumulation des faits purs et simples, nous préférerions une vue plus « synthétique » permettant d’en dégager le sens, et aussi d’éviter bien des erreurs et des confusions plus ou moins graves.
Une de ces confusions apparaît dans le titre même, où Willermoz est défini comme « mystique », alors que rien de tel ne se dégage de ce qui est exposé dans le livre, et que d’ailleurs la vérité est qu’il ne le fut nullement ; si on peut lui reprocher d’avoir paru délaisser les Élus Coëns, ce n’est point parce qu’il se tourna vers le mysticisme comme Saint-Martin, mais seulement parce qu’il s’intéressa alors plus activement à d’autres organisations initiatiques. D’autre part, l’auteur manque trop évidemment de toute connaissance « technique » des choses dont elle parle, d’où de curieuses méprises : ainsi, par exemple, elle prend les différents Rites maçonniques pour autant de « sociétés » ; elle ignore la différence qui existe entre une « Grande Loge et un Grand-Orient » ; elle appelle « rectification » le rattachement d’une Loge à la Stricte Observance, alors qu’au contraire ce terme désigne la modification que subirent les Loges mêmes de la Stricte Observance lorsque celle-ci cessa d’exister comme telle et fut remplacée par ce qui, précisément pour cette raison, s’appela (et s’appelle encore) le Régime Écossais Rectifié, dans l’élaboration duquel Willermoz prit une part prépondérante.
Cela dit, nous reconnaissons volontiers que cet ouvrage contient une somme de renseignements auxquels il sera toujours utile de se référer quand on voudra étudier les organisations dans lesquelles Willermoz joua un rôle ; mais la partie la plus intéressante, à notre avis, est celle qui concerne l’intérêt qu’il prit au magnétisme et les conséquences plutôt fâcheuses qui en résultèrent, car ce n’est assurément pas là l’épisode le plus heureux de sa carrière.
Il y a d’ailleurs dans cette histoire quelque chose de vraiment singulier, et qui appelle une réflexion d’une portée plus générale : quoi qu’il faille penser du caractère de Mesmer, sur lequel on a formulé les appréciations les plus opposées, il parait bien avoir été « suscité » tout exprès pour faire dévier les organisations maçonniques qui, en dépit de tout ce qui leur faisait défaut comme connaissance effective, travaillaient encore sérieusement et s’efforçaient de renouer le fil de la véritable tradition ; au lieu de cela, la plus grande partie de leur activité fut alors absorbée par des expériences plutôt puériles et qui n’avaient en tout cas rien d’initiatique, sans parler des troubles et des dissensions qui s’ensuivirent. La « Société des Initiés » organisée par Willermoz n’avait en elle-même aucun caractère maçonnique, mais, en raison de la qualité de ses membres, elle n’en exerça pas moins une sorte d’influence directrice sur les Loges de Lyon, et cette influence n’était, en définitive, que celle de somnambules qu’on y consultait sur toutes choses ; comment pourrait-on s’étonner, dans ces conditions, que les résultats aient été lamentables ?
Nous avons toujours pensé que le fameux « Agent Inconnu » qui dicta tant d’élucubrations confuses et souvent même tout à fait inintelligibles, était tout simplement une de ces somnambules, et nous nous souvenons de l’avoir écrit ici même il y a déjà un certain nombre d’années, à propos du livre de M. Vulliaud ; Mme Joly en apporte une confirmation qui ne saurait plus laisser place à aucun doute, car elle a réussi à découvrir l’identité de la personne en question : c’est Mme de Vallière, sœur du commandeur de Monspey, par qui ses messages étaient transmis à Willermoz ; ne serait-ce que parce qu’elles apportent la solution définitive de cette énigme et coupent court ainsi à certaines légendes « occultistes », les recherches de l’auteur n’auront certes pas été inutiles. – Nous nous permettrons encore une petite remarque accessoire : certains noms propres sont déformés d’une façon assez étonnante ; nous ne voulons pas parler de ceux des personnages du XVIIIe siècle, sachant combien leur orthographe est parfois difficile à établir exactement ; mais pourquoi, dans les références, MM. Vulliaud et Dermenghem sont-ils appelés constamment « Vuilland » et « Dermenghen » ? Cela n’a pas une importance capitale, sans doute, mais, surtout dans un travail d’« archiviste », c’est tout de même un peu gênant…
PS :Le « différent apocalyptique » gagnerait, pour l’estime que j’ai de vous ,compte tenu de ce qu’il s’agit d’un gros titre, à être corrigé en « différend »
Bien fidèlement à vous et encore mes remerciements pour l’envoi de vos documents sur l’astrologie.
Aveu d'influençabilité
Je dois avouer que revu sous cet l'angle que procure la mise en relief de certains passages reportés en rouge, le reproche fait a Guénon d'avoir voulu neutraliser ce livre assez dévastateur pour la Maçonnerie en général ne tient pas car il eut été plus avantageux de le passer sous silence puisque le seul fait d'en avoir parlé ne pouvait qu'inciter à le lire. Je me suis donc laissé emporter par mon allergie aux "mômeries" en usage dans les loges.
Toutefois, l'on aura pu constater que si je ne suis pas parfait mon "influençabilité" à des limites puisque c'est la pression exercée par un particulier pour me pousser en en repasser une couche à propos du même genre d'accusation contre Guénon qui m'a déterminé à rompre avec l'auteur "apocalyptique" que j'ai en vue pour qui tout est bon pour taper systématiquement sur René Guénon tandis qu'il a fait preuve d'une étonnante perméabilité à propos d'un "traître" nommé Frithjof Schuon.
Notez qu'à propos du mémoire de Maude Murray sur sa relation avec ce personnage, le collègue qui a reçu le livre vient de me faire savoir qu'il n'y avait rien de remarquable à en dire. Au fond cette ex épouse se borne à lui reprocher un certain degré d'hérésie ce qui ne nous apprend rien de bien palpitant. On peut dire que c'est l'évidence même vu que sa mégalomanie n'a jamais été chose douteuse.